Etienne CATTIN

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Michel
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Etienne CATTIN

Message par Michel »

Né dans l’Ain à Villereversure en 1912 dans un hameau longeant la voie ferrée Bourg-La Cluse, fils d’un modeste charpentier-maçon, Etienne Cattin termine ses études après avoir empoché en 1936 le diplôme d’ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, grande pourvoyeuse alors d’ingénieurs Matériel et Traction (MT) dans les dépôts des compagnies, puis de la SNCF.

Entré à la SNCF le 1er février 1939, mobilisé quelques mois après, démobilisé en juillet 1940, il accomplit les traditionnels stages d’attaché, chauffeur puis mécanicien aux dépôts de Paris-La Villette et de Noisy-le-Sec. Sous-chef de dépôt à Lumes, Belfort, Blainville, il est promu en février 1944 chef de dépôt à Vaires-Banlieue Est. Il a connu un réseau confronté plus que tout autre à l’occupation allemande, aux circulations intensives de trains de part et d’autre du Rhin : trains militaires allemands, trains de marchandises accaparées. C’est toujours sur la Région de l’Est qu’il poursuit sa carrière : après Belfort, Aillevilliers, Vitry-le-François, Mohon, Longuyon puis Reims, il est nommé chef de l’arrondissement MT de Nancy. Fin connaisseur des roulants, nulle surprise à sa nomination de chef de la subdivision du personnel MT de l’Est.

De son compagnonnage avec les roulants, il va tirer la matière d’une oeuvre littéraire importante, où la trame des événements sert toujours de révélateur des ressorts de la psychologie professionnelle de ses héros. C’est ainsi qu’il a connu un extraordinaire mécanicien du dépôt de la Villette, un certain Reverdy, renommé pour sa passion de la vitesse, ses prouesses et facéties devenues légendaires, souhaitant ainsi beaucoup de retard aux trains, afin de pouvoir se livrer à son exercice favori, « tirer sur le régulateur tant qu’il pouvait ». Maudissant le « trait rouge » du mouchard qui le signalait à sa hiérarchie par son dépassement des 120 km/h autorisés, il réussissait toujours à se tirer d’affaire. Ce personnage haut en couleurs (nu sur la plate-forme de sa locomotive, le temps de faire sa lessive…) lui inspira le héros - surnommé Rat Blanc – d’une nouvelle parue dans l’Almanach du Cheminot 1954, illustrée sobrement mais avec talent par Michel Lamarche.
La même année, La Vie du Rail (n° 420 à 422, 8, 15 et 22 novembre 1953) publie ses « récits vécus d’un tractionnaire »,
inspirés de son séjour à Longuyon. « Nés dans le charbon », évoquent ces fils de mécaniciens logés en cité ferroviaire, dont Cattin évoque la curiosité naissante pour les choses du rail, tôt attirés par le spectacle des manoeuvres ou des trains de marchandises que conduisent leurs pères, en tête d’une 150 E ou 150 X. Et vive le jeudi : « Toute la journée, on s’extasie devant les beaux démarrages, on compte les wagons des trains »... La mutation du père signifie l’obligation de quitter le seul dépôt de l’Est qu’il fallait traverser chaque jour pour aller à l’école ! Et seule la maman est satisfaite : « Le charbon ne recouvrira plus ses rideaux et n’envahira plus ses meubles ; le linge séchera en toute tranquillité ; elle ne lavera plus les mains et les jambes des enfants dix fois par jour et, du jardin, verts sortiront enfin les choux et rouges enfin les tomates ». Subtile évocation réaliste donc de l’ambiance familiale qui règne dans les ménages des roulants… Moins anecdotique est son premier roman, à la forte charge vécue. Publié par Julliard en 1954, Trains en détresse évoque la condition psychologique quotidienne des roulants sous l’occupation, tout ce qu’ils ont ressenti lorsqu’en tête de machine par exemple, ils sont pris
sous le feu d’un mitraillage, ou risquent un déraillement meurtrier. A ce témoignage authentique, Le Parisien attribue son Prix Vérité. Si le film à succès La Bataille du Rail est encore dans tous les esprits, Roger Ferlet, à juste titre, souligne la divergence des approches : bien qu’ayant « bénéficié des avantages du grand spectacle où la tragédie s’épanouit et appelle l’émotion par des moyens scéniques », « ce film ne pouvait restituer dans son âpreté le goût franc de la vérité quotidienne. Si les images montrent et suggèrent, il n’y a que l’écriture pour fouiller et analyser la pensée » (La Vie du Rail, 6 juin 1954).

L’ode aux gueules noires de la traction va s’exalter dans les ouvrages suivants. Ceux du rail, (Julliard, 1954) est gratifié par La Vie du Rail de son Prix Chatrian : « On est en présence d’un livre définitif sur le personnel roulant », juge Robert Kempf (Les Nouvelles littéraires). Traitant de l’irruption de la traction électrique, « M. Cattin intitule son dernier chapitre : De profundis, et on devine la tristesse des gueules noires devant le triomphe des motrices nouvelles qui les condamnent. » « On n’est plus des mécaniciens, on est des wattmen… », soupirent ses héros ! Même thématique avec Les dévorants (Julliard, 1956), puis La fin des dévorants (Julliard, 1956). Le premier met en scène le mécanicien Christian Valleraud : avisé par le sous-chef de dépôt de La Villette que sa Mountain 241 A 22 va être mise à la ferraille à l’issue de son dernier parcours,
Paris-Chalindrey et retour, il nous livre ses réfl exions intérieures durant cet ultime voyage. Le second introduit son fi ls Gustave : c’est bien un roulant de la SNCF, mais qui y a fait des études d’électricien, pour conduire des BB ou CC… D’où face à ce progrès inévitable, cette tension intérieure vécue par le père, empreinte de nostalgie - « La condition de gueule noire constituait une école d’énergie comme il en avait peu existé » -, face à un métier bouleversé : « L’on ne pourra jamais sentir une BB vivre en soi comme une Mountain » !
En faisant revivre l’espiègle mécanicien Rat-Blanc dans ses deux derniers ouvrages, Cattin vise maintenant un jeune public : Rat-Blanc et son chauffeur (Bourrelier, 1958) lui vaut le Prix de la Jeunesse, L’Express du Soir (Bourrelier, 1962), le Prix Jean Macé. Les illustrations du premier, par Françoise Estachy, déclencheront un puissant coup de gueule du sourcilleux Michel Doerr, jugeant « pas assez puissante la main féminine » pour traiter un pareil sujet où « la connaissance de la locomotive à vapeur et du monde des gueules noires semblerait particulièrement nécessaire »… Exit donc cette illustratrice dans le second ouvrage, remplacée par André Pec. Par son recueil de poèmes Le pont de Noisy paru en 1964, Etienne Cattin achève son évocation sensible du Rail.
Peu après sa mort survenue prématurément le 9 septembre 1966, en écho à son oeuvre, l’Association des Ecrivains Cheminots (AEC), fondée en 1953, se transforme en Cercle littéraire Etienne Cattin (le CLEC), et retient Le Dévorant comme titre de sa revue : un hommage mérité à une fort belle plume !

Georges Ribeil 1968


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Si les cons étaient fluorescents, ce serait la terre qui éclairerait le soleil !!!

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Michel
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Re: Etienne CATTIN

Message par Michel »

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Si les cons étaient fluorescents, ce serait la terre qui éclairerait le soleil !!!

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S.S.S.
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Re: Etienne CATTIN

Message par S.S.S. »

:pouce:
J’ai tellement besoin de temps pour ne rien faire, qu’il ne m’en reste plus pour travailler (Pierre Reverdy)

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yan59
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Re: Etienne CATTIN

Message par yan59 »

Super! Bravo et merci! :kiss3:
Je ne procrastine pas, j'attends d'être plus vieux et donc plus expérimenté !

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