Yoko Tsuno !
Le personnage de Roger Leloup est apparu dans Spirou en 1970.
A ce moment, il n'y a pas encore de grandes figures féminines dans les pages du journal,
Natacha entame seulement sa carrière d’hôtesse, et Yoko débute comme électronicienne, intrépide. L'aventure ne fait que commencer.
Les Américains enchaînent les vols spatiaux, et les Vinéens ne tardent pas à faire leur entrer dans la série.
Un peuple extra-terrestre, à la peau d'un beau bleu marabout, et dont l'histoire est liée depuis des centaines d'années à celle de l'humanité. Pour preuve, l'amitié qui unit rapidement Yoko à Khâny.
Mais la science-fiction n'est qu'un décor. Chaque fois, ce seront les relations entre les personnages qui donneront leur sens à l'histoire.
Mon album préféré à ce jour (je ne les ai pas tous encore lu) est Message pour l'éternité.
Je le conseille vivement.
Je le conseille d'autant plus ici, sur ce forum, que cette aventure possède une réelle saveur moranienne. Je ne peux en dire en plus, sinon que l'Aventure est au rendez-vous.
Il n'est pas cette fois question d'espaces intersidéraux : on se retrouvera au contraire plongé sur notre bonne vieille Terre, entre les montagnes déchirées de la frontière afghane.
Alors, on reconnaîtra la saveur des meilleurs récits moraniens, ceux où il n'est point besoin d'artifices, ni de patrouilles du temps. En vérité, ceux qui sont à échelle humaine, quand bien même cet humain est seul, perdu au fond d'un vaste paysage désertique.
... En écrivant ces lignes, je pense à un autre album de la série, La frontière de la vie. Où les héros n'ont qu'un but : la survie d'une petite fille, qui mourra si on ne fait rien ...
C'est l'un des traits les plus réussis de la série.
Les valeurs de Leloup transparaissent admirablement dans ses albums.
L'amitié désintéressée, le respect de la vie, de la liberté, la richesse des rencontres, l’émerveillement de l'enfance, le courage.
Le tout mêlé à une foule de décors dantesques, où la Nature se confronte à la technologie de l'homme, le tout donnant un rythme bien particulier, une démesure haletante aux histoires.
... Ouragans, incendies, éruptions, tempêtes, phénomènes météorologiques étourdissants, voilà le terrain de jeu de Yoko Tsuno,
en même temps que celui de nombreux savants sans conscience, apprentis sorciers, trafiquants d'armes et assassins qui croiseront le chemin de la jeune Japonaise.
Un parcours très semblable à celui d'un certain commandant français ...
Leloup est le créateur du Carreidas 160, le jet visionnaire, peint de rouge et de blanc, de Vol 714 pour Sydney.
Il est épris de mécanique, d'architecture, et tient à restituer parfaitement les titans qui se manifestent dans chacun de ses récits. Un bestiaire incroyable !
... Plate-forme pétrolière, centre spatial, radars, navires, satellites, jonques, planeurs, montgolfières, biplans, hydravions, avions de chasse, navettes, locomotives, sous-marins, montagnes, forêts, volcans, océans et déserts, châteaux, cathédrales et temples, villes entières, interstellaires ou antiques, secrètes ou noyées, …
Des États-Unis à la Chine, en passant par la Russie, la France, l'Allemagne, l'Indonésie, le Brésil, le Japon ...
Le voyage, toujours.
L'aventure, la découverte, sans cesse.
Mais Roger Leloup est un homme discret.
Un timide créateur, travaillant sans cesse.
(pour l'anecdote : c'est le soir de Noël qu'il dessine pour la première fois le personnage de Yoko ! - parce que ce jour-là comme les autres, il n'était pas parvenu à rester-sans-rien-faire ...)
Une longue carrière de dessinateur (Leloup a aujourd'hui 79 ans) le voit rester fidèle à ses engagements et multiplier les cordes à son arc.
De dessinateur il passe à écrivain, le temps de deux livres, dont un raconte la jeunesse de Yoko Tsuno ; L'écume de l'aube.
Il y a quelques années à peine, à plus de 70 ans, et alors qu'il entame la réalisation du 24ème album de la série,
il n'hésite pas à se mettre en danger et renverse une nouvelle fois le schéma de ses personnages.
Après avoir imposé le rôle de mère à Yoko, en l'obligeant à adopter une jeune orpheline, Rosée, une étrange fillette qui-parle-aux-dragons, il crée Emilia,
une jeune adolescente russo-écossaise au caractère bien trempé. Un souffle d'air frais dans le quotidien d'une Yoko devenue trop sage.
Malgré ses quinze ans d'âge, Emilia est pilote d'avion, un biplan, le long de l'Amazone, elle n'a pas froid aux yeux.
Bien évidemment, le temps a passé, et la série de Leloup, même si elle demeure toujours publiée dans de nombreux pays, n'a plus le retentissement qu'elle possédait dans les années 70 et 80.« D'ailleurs, quand un artiste veut représenter la source, l'espoir, la vie, n'est-ce pas toujours une jeune fille qu'il représente ?
Parfois, on me dit : Tu idéalises la femme. Il n'y a pas de femmes comme cela.
Moi, je réponds : Si, il y a des femmes comme cela et ce sont celles-là qui m'intéressent ! »
Mais qu'importe.
Sa générosité filtre de chacune de ses images, et Leloup continue d’œuvrer avec les moyens qui sont les siens, le dessin et le texte.
Il se renouvelle et tente de parler, encore et encore, à la jeunesse, quelques soit ses origines, la poussant à la découverte de la planète, de ceux qui la compose.
Malgré les années, les albums de Yoko Tsuno restent d'actualité, captivants et sincères, parce que les valeurs de leur auteur sont intemporelles.
Vous l'aurez deviné, j'ai un respect immense pour Roger Leloup, l'homme et l'artiste,
et je ne saurais que trop vous conseiller la découverte de cette série !
... Ce n'est pas Boy, notre garçon, ni Bad Girl, qui me contrediront ...