Paris est une fête par Ernest Hemingway

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Guy Bonnardeaux
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Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par Guy Bonnardeaux »

Paris est une fête par Ernest Hemingway
A Moveable Feast
Gallimard 1964 – Livre de Poche n°2142
ImageImage « Ce qu’il faut c’est écrire une seule phrase vraie » p. 20 ( édition Livre de Poche ).

Hemingway fait partie de mes écrivains favoris même si je n’adhère pas pour autant à certains des thèmes qu’il affectionnait comme la pêche ( voir le vieil homme et la mer ), la chasse ( les neiges du Kilimandjaro ), la tauromachie ( le soleil se lève aussi ), des « activités » qui ne me correspondent en rien.

Ne me faites cependant pas dire ce que je n’ai pas dit car ces livres qui racontent la chasse, la pêche, la corrida, s’ils évoquent des actions qui me rebutent n’en demeurent pas moins des réussites littéraires incontestables.

J’ai aussi été touché par son roman qui a pour cadre la guerre d’Espagne, Pour qui sonne le glas, ressenti comme un plaidoyer contre la violence et les conflits armés que provoquent des idéologies antagonistes. C’est pour moi un des grands livres du XXème siècle.

Hemingway me touche pas la manière bien personnelle qu'il a d'écrire, le style qui lui est propre et par la justesse des analyses de ses personnages qu’il nous donne, leur morale, leur philosophie. Les acteurs mis en scène dans ses livres ne sont jamais futiles. Ils « sonnent » authentiques et ne s’encombrent pas de mots inutiles.

Je viens de relire – je suis dans une période de relecture – Paris est une fête, une œuvre qui se démarque des autres et est bien à classer à part. C’est un livre autobiographique même si l’auteur autorise le lecteur à le considérer s’il souhaite qu’il en soit ainsi comme une œuvre d’imagination.

Il est à noter que dans la nouvelle les neiges du Kilimandjaro, l’écrivain fait se remémorer par son héros des situations qu’il a lui-même connues et qu’il conte dans Paris est une fête.

Une première lecture il y a … trop longtemps m’avait littéralement enchanté et j’ai toujours gardé en mémoire le souvenir d’un livre attrayant qui évoque la jeunesse de notre homme dans le Paris littéraire et artistique des années vingt quand on pouvait encore relativement bien vivre avec peu, quand on se chauffait aux « boulets » si on en trouvait et quand le berger parcourait les rues avec son troupeau de chèvres pour en vendre le lait …

Paris est une fête plonge le lecteur dans cet univers dit de la « génération perdue » que j’ai déjà évoquée ici dans un des chapitres de mon bouquin en devenir You Can’t Stop The Music Playin’On.

Si l’on en croit Hemingway « Génération perdue » est un terme inventé en sa présence par Gertrude Stein pour définir tous ces hommes rescapés des massacres de la grande guerre.

Gertrude Stein était écrivain, poétesse, auteur dramatique et aussi féministe. Elle a surtout vécu en France où elle aidait les jeunes écrivains américains, les recevait chez elle, les initiait à la peinture moderne aussi bien qu’à la vision qu’elle avait de ce que devait être la littérature. Elle a intellectuellement beaucoup compté à un moment pour Hemingway chez qui elle avait sans doute décelé le grand auteur en devenir.

Le livre est donc une attirante promenade parmi ces écrivains, poètes et artistes anglo-américains ( et autres ) qui avaient adopté Paris comme lieu de résidence. Il raconte les rencontres, les amitiés comme les inimitiés de l’auteur avec une série de plumes ou pinceaux célèbres qui ont marqué cette période et les suivantes de leur empreinte comme de leur talent.

A la librairie Shakespeare & Co. – qui existe toujours – les auteurs sans le sou pouvaient emprunter tous les livres qu’ils souhaitaient lire grâce à la bienveillante amitié de Sylvia Beach. La tradition veut que dans cette librairie/bibliothèque de langue anglaise, il n’est pas interdit à l’écrivain désargenté de passage de trouver le gîte, parmi les livres, en cas de besoin.

Blaise Cendrars, Aleister Crowley, James Joyce, T.S. Eliot, l’attachant et bon Ezra Pound ou, et surtout, Scott Fitzgerald – dont Hemingway s’est beaucoup occupé – qui venait de publier son célèbre Gatsby le magnifique ( The Great Gatsby ) et bien d’autres occupent les chapitres du livre qui évoque aussi Picasso par exemple et sa vision de la société et de ses classes :

« Picasso me raconta qu’il avait toujours promis aux riches d’aller les voir quand ils l’invitaient, tant cette promesse les rendaient heureux, et ensuite il arrivait toujours quelque chose qui l’empêchait de remplir ses obligations. » p. 138
ImageImage D’autres célébrités traversent le récit mais pour l’une ou l’autre raison, elles ne sont citées que sous des noms d’emprunt. C’est un peu dommage pour qui aimerait en savoir plus sur les personnages du temps.

Dans le cours de sa narration, Hemingway explique qu’il lisait beaucoup les écrivains russes : Tourgueniev ( avec forcément, les mémoires d’un chasseur ), Gogol ou Tchekhov. Et bien entendu, Tolstoï dont le très beau la guerre et la paix est cité comme étant le plus grand roman russe que l’on puisse relire sans se lasser. Dostoïevski est par contre un peu décrié même si Hemingway essaie de le lire et de l’apprécier par Crime et châtiment et les frères Karamazov .

Je dois reconnaître avoir eu moi aussi bien des difficultés à trouver mon chemin dans l’adolescent mais ce n’est pas une raison pour négliger les autres ouvrages de cet écrivain prolixe et si singulier.

Par son livre, Hemingway nous donne aussi quelques clés pour appréhender sa personnalité. Le lecteur apprend ainsi sa superstition, s’alarmant s’il oubliait de cogner le bois d’une table et se déplaçant toujours avec en poche une patte de lapin et un marron d’Inde. Un trait de caractère surprenant dans la mesure où les photos d’époque montrent un homme si fort, si grand, qui donne pourtant l’impression d’une grande sûreté de soi.

Et puis tout au long de ces lignes plaisantes, il nous emmène dans ces lieux mythiques que sont la Closerie des lilas, la Coupole, le Dôme, la Rotonde, Lipp, les Deux Magots
Image Le reflet de toute une époque racontée avec un livre vrai par un très grand écrivain …

Quelques éléments

Ernest Hemingway était né en 1899 à Oak Park dans l’Illinois.

Journaliste, il deviendra le grand écrivain et auteur de nouvelles que nous connaissons et qui reçut le Prix Nobel de Littérature en 1954 après avoir été honoré du Prix Pulitzer en 1953.

Engagé volontaire à la Croix-Rouge en Italie en 1917, il y est grièvement blessé. En 1921, il est correspondant de guerre auprès de l’armée grecque dans le conflit greco-turc ( qui a poussé les Grecs d’Anatolie et de Thrace orientale à quitter le pays en masse ) et en 1922, il arrive à Paris d’où il travaille pour plusieurs journaux internationaux et donne l’impulsion définitive à sa carrière d’auteur. Il vivra aussi la terrible guerre d’Espagne qui l’inspirera pour un grand roman.

Par la suite, Hemingway vivra beaucoup à Key West en Floride et à Cuba ( le vieil homme et la mer ) où il lui arrive de converser avec Fidel Castro. Sans doute, autour d’un Daiquiri...

Il se suicide le 2 juillet 1961 à Ketchum en Idaho.

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Fenstone
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par Fenstone »

Un bon auteur que j'apprécie. Un grand. Que dire de plus après ta prose. Chapeau Guy.

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Guy Bonnardeaux
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par Guy Bonnardeaux »

Merci mon ami.

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jean-luc
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par jean-luc »

Merci Guy pour cet éloge d'un ouvrage que je ne connais pas...
Tout cela me donne envie de me replonger dans les écrits d'Hemingway que je n'ai pas lu depuis des lustres.

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Guy Bonnardeaux
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par Guy Bonnardeaux »

J'ai le sentiment que c'est une bonne idée, cher Jean-Luc :pouce:

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aristide hergé
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par aristide hergé »

jean-luc a écrit :Merci Guy pour cet éloge d'un ouvrage que je ne connais pas...
Tout cela me donne envie de me replonger dans les écrits d'Hemingway que je n'ai pas lu depuis des lustres.
Si nous découvrons - ou redécouvrons - des oeuvres importantes, c'est bien grâce aux amis qui, par leur talent, nous donnent envie de le faire : merci à eux ! :pouce:
"Le patriotisme, c'est d'abord l'amour des siens. Le nationalisme, c'est d'abord la haine des autres" (Romain Gary)

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cachi
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par cachi »

Sans vouloir altérer l'image d'Ernest Hemingway, il faut dire que sa face cachée n'était pas toujours reluisante.
Amis inséparables, Dos Passos et Ernest se brouillèrent à propos de la guerre d'Espagne. Dos Passos se rangeant auprès des paysans sans terre et des ouvriers et Hemingway auprès du pouvoir, du gouvernement stalinien qui stoppa la révolution pour, soi-disant, recevoir l'aide des pays occidentaux et de l'URSS avec le succès que l'on sait :colere: Ernest était logé dans les grands hôtels et Dos Passos dans les tranchées. :(
Plus tard, c'est Malraux qui se fâcha contre ce "libérateur" plus adepte des bars "branchés" parisiens de l'époque que de continuer la guerre contre les nazis. On pourrait continuer avec CUBA.
De toute façon, Ernest, à chaque fois, n'était pas dans le camp des oppresseurs principaux à la différence d'autres auteurs géniaux qui se trompèrent bien plus que lui (Céline au premier rang).
Hemingway était un grand auteur comme son ami de jeunesse Dos Passos dont les écrits sur l'Espagne républicaine ("Aventure d'un jeune homme", "Rossinante reprend la route") sont indépassables comme ceux de Orwell ("Hommage à la Catalogne").

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Guy Bonnardeaux
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par Guy Bonnardeaux »

Mouais ...

Personnellement je suis toujours très prudent quant aux actes ou attitudes attribués aux uns et aux autres durant les conflits...

Je n'oublie pas que ( sauf évidemment pour des gens comme Celine dont les opinions étaient claires et intolérables mais à qui, même si je suis contre les actes et les idées, je dois reconnaître le courage d'avoir fait savoir ce qu'il pensait, alors que d'autres ... ) après les guerres ( et la dernière est exemplaire à ce niveau ), on a vu émerger un nombre incroyable de "résistants" de la dernière heure ( dont certains étaient d'ailleurs tout sauf blanc-bleu ) tandis que dans le même temps, les mêmes attribuaient bien des compromissions ou lâchetés qui restent à prouver à d'autres auteurs ( concurrents ? ) dont on voulait briser la carrière, alors qu'ils ne le méritaient pas, loin de là.

Ces injustices ont frappé bien des gens, littérateurs ou non.

Dès lors, pour ce qui me concerne, les "untel a fait ceci", "untel n'a pas fait cela ", je m'en méfie et demeure toujours sceptique.

Je n'étais d'ailleurs pas là pour constater.

Je me dis toujours : au fond, moi qui dit ceci ou cela, comment aurais-je réagi si j'avais dû vivre cette époque ? Je n'en sais rien. Personne ne le sait.

Je me vois bien entendu très mal, pas du tout même, en collabo étant donné mon attachement à la liberté, mes idées et mon respect pour l'Homme quelles que soient son origine, sa religion, ses opinions. Voltaire disait vrai et ce qu'il disait n'est pas dépassé et est à appliquer : je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire.

Mais nous pouvons tous en toute honnêteté nous poser la question : qui aurais-je été à ces époques ?

Impossible de répondre puisque nous ne les avons pas vécues et ce que nous en connaissons n'est finalement que ce qu'on a bien voulu nous en dire ...

Certains se sont présentés dans le costume de héros, d'autres ont été décriés, calomniés ... Mais, en-dehors des cas où les preuves sont flagrantes, le méritaient-ils tous , les uns et les autres, le dit héros comme le calomnié ?

Je me pose souvent la question.

Il est des écrivains qui ont été mis à l'index par "l'intelligentsia", la pensée unique d'après-guerre et je n'ai pas toujours compris pourquoi ... Il est utile à ce propos de lire Au galop des Hussards, de Gault et Millau ( si, si, les critiques gastronomiques ont bien écrit cet excellent livre ) tout en abordant ce livre avec un esprit critique comme pour le reste mais en se disant aussi : oui, mais au fond, tout ce qu'on m'a raconté, tout ce que j'ai lu ? Vrai ou faux ?

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aristide hergé
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par aristide hergé »

Tu parles d'or, cher Guy, et je suis complètement d'accord avec toi ! :pouce:
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S.S.S.
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Re: Paris est une fête par Ernest Hemingway

Message par S.S.S. »

J'approuve aussi, Guy... Les idées toutes faites, les on a dit que, j'ai lu que... Bof :w:
J’ai tellement besoin de temps pour ne rien faire, qu’il ne m’en reste plus pour travailler (Pierre Reverdy)

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